Protéger son identité numérique : rencontre avec Philippe Godard

Jeudi 21 novembre, les élèves du collège Emile Laroue ont rencontré l’écrivain Philippe Godard à la médiathèque intercommunale de Frasne.

Article mis en ligne le 25 novembre 2013

par Marie Pierre

« À qui appartiennent les données (photos, messages...) que vous communiquez sur Facebook  ?  »

C’est la question préliminaire posée à tous les élèves de cinquième qui ont suivi la conférence de M. Godard, le jeudi 21 novembre à la médiathèque de Frasne.
Leur attention a tout d’abord été attirée sur la façon dont cette entreprise gagnait de l’argent. Elle offre en effet un service gratuit, ce qui est surprenant pour une entreprise privée à but lucratif. En suivant cette logique, M. Godard a fait comprendre aux élèves que le fonds de commerce de Facebook est justement constitué par les données que les internautes laissent sur le site.
En effet, dans la déclaration de confidentialité que chaque utilisateur est censé, en théorie, avoir lu avant de la signer, il est précisé que l’internaute cède ses droits sur les données qu’il déposera sur le site. Et ce définitivement. L’entreprise de Marc Zuckerberg se réserve donc le droit d’utiliser toutes les informations fournies de leur plein gré par les internautes et d’alimenter des profils très personnalisés qu’elle pourra ensuite revendre à des sites commerciaux.

À partir de cet exemple de fichage, M. Godard a insisté sur la notion d’identité numérique, c’est à dire l’ensemble des informations associées à une personne, une entreprise ou une institution, disponibles et/ou mises en scène sur Internet. Cette identité numérique commence à se construire dès que les élèves laissent des informations les concernant sur le web. Et ces données leur colleront à la peau toute leur vie... Car sur le net, pas de droit à l’oubli.
Un message, une idée, une photographie publiée un peu à la légère peuvent poser de très nombreux problèmes à tout un chacun dans sa vie future puisque même si la donnée est rapidement effacée, elle peut avoir été copiée par n’importe quel internaute malveillant et réutilisée par la suite dans un but crapuleux. Et elle est, quoiqu’il en soit, enregistrée sur de nombreux serveurs (ceux de Facebook, de Google, …) susceptibles d’être piratés ou utilisés par des organisations peu respectueuses des libertés individuelles.

Il est donc nécessaire que les élèves protégent dès leur plus jeune âge leur e-réputation en surveillant toutes les publications les concernant. C’est d’ailleurs le conseil que donne M. Obama à tous les jeunes dans un extrait du documentaite de Canal + intitulé « Ma vie à poil sur le net  ».
Pour ce faire, les élèves doivent en premier lieu modifier les paramètres de confidentialité de leurs comptes Facebook, qui sont réglés par défaut sur une ouverture totale. M. Godard a donc, entre autres, expliqué aux jeunes comment limiter le nombre de personnes ayant accès à leur profil ou comment, de façon plus radicale, supprimer définitivement leur compte.

Parallèlement aux réseaux sociaux, les adolescents doivent aussi se méfier des données récoltées à leur insu par les moteurs de recherche. Dans ce cas, ils ne confient pas volontairement les informations à l’entreprise mais les données sont récupérées par des robots qui récoltent peu à peu toutes les traces marquant leurs petites habitudes (consommation, centres d’intérêts, etc...). Il est possible de parer à ce traçage en évitant les moteurs de recherche américains traditionnels et en utilisant des outils plus confidentiels qui ne fichent pas les utilisateurs ( Ex  : Ixquick ou Duck duck go ).

Au-delà de ce problème d’ « espionnage  », il y a d’autres dangers beaucoup plus importants que font courir les réseaux sociaux et plus globalement le net aux élèves.
En effet, la période de l’adolescence est une période charnière. Le corps et l’esprit se transforment parfois difficilement. Et une mauvaise utilisation du net peut parfois mener à des drames irréversibles. Il est ainsi arrivé à plusieurs reprises que des jeunes filles ayant, dans un moment d’égarement, posté des photos intimes, finissent par se suicider suite au harcèlement lié à l’utilsation de ces même photos (cf  : affaire Amanda Todd
http://www.linternaute.com/actualite/monde/amanda-todd-le-suicide-qui-enflamme-la-toile-1012.shtml).

Les violences liées aux nouvelles technologies ne se limitent pas à ce type de cas.
Citons, par exemple, le harcèlement « numérique  » d’un élève – malheureusement de plus en plus fréquent lui aussi (http://www.arretsurimages.net/breves/2013-09-17/Une-senatrice-veut-lutter-contre-le-cyber-harcelement-id16063) ou le vol d’identité numérique (vol de mots de passe et utilisation de l’identité de la victime pour commettre des actes malveillants).

L’impact des agressions commises par le biais du web est d’autant plus important qu’à la dépersonnalisation liée à la présence d’un écran s’ajoute un fort sentiment d’impunité pour l’agresseur. Si l’on ajoute à ce phénomène l’amplification des insultes et des diffamations liée à l’interconnexion massive des utilisateurs, le cocktail est explosif …Et parfois fatal pour la victime.

D’où l’importance de respecter un certain nombre de règles expliquées dans l’excellent document d’action innocence, sur lequel nous avons en partie travaillé avec les élèves.http://www.actioninnocence.org/suisse/Fichiers/ModeleContenu/902/Fichiers/Guide%20Netcode%2028p_poids_reduit.pdf

La journée de prévention a été suivie le soir d’une conférence-débat destinée aux parents. Lors de cette intervention, M. Godard a réexpliqué aux parents les informations transmises dans la journée aux collègiens tout en approfondissant certains points de politique et d’éthique.